Un manuscrit
indéchiffrable depuis plus de quatre siècles, un codex médiéval diabolique, une
encyclopédie des plus surréalistes, un roman sans le moindre « E »,
un livre au concept labyrinthique…Partez à la découverte de cinq ouvrages
étranges et insolites qui valent le détour.
Le manuscrit de
Voynich : L’indéchiffrable
Le
« Voynich » comme le surnomment certains est l’un des plus grands
mystères de la cryptographie contemporaine. Nul ne sait s’il s’agit d’un
herbier, d’un traité d’alchimie ou tout simplement d’une imposture.
Ce codex en
vélin de 234 pages doit son nom à Wilfrid Michael Voynich, un bibliophile
newyorkais, qui l’acheta en 1912 à une communauté de Jésuites de Frascati en
Italie.
Folio F23r (Herbier) |
Ecrit dans une
langue inconnue, il est richement illustré par d’étranges dessins représentant
un monde végétal psychédélique, des symboles astrologiques, des femmes nues
nageant dans un réseau de tubes et bien d’autres bizarreries alimentant les
théories les plus farfelues quant à son origine, son contenu et le but
recherché par son auteur.
Folio f65r1 (Cosmologie) |
Sa datation au
carbone 14 par une équipe de l’Université de l’Arizona situe sa fabrication entre
1404 et 1438.
En janvier 2014,
le linguiste britannique Stephen Bax prétend avoir décrypté 14 lettres. Une
découverte intéressante mais qui mérite des approfondissements.
Le fait qu’aucun
cryptologue ni linguiste, n’ait parvenu, à ce jour, à le déchiffrer n’exclut
par la possibilité d’un canular.
Folio f78r (Biologie) |
Aujourd’hui
conservé dans la bibliothèque des livres rares et manuscrits de l’Université de
Yale sous la cote MS408, il est disponible en ligne sur :
Le codex Gigas :
La bible du diable
La
bibliothèque nationale de Suède (http://www.kb.se/)
recèle en son sein un ouvrage unique et mystérieux : le codex Gigas (du
grec Gigas signifiant « géant »). Haut de 97 cm pour un poids de 75
kg, ce codex est considéré comme le plus grand manuscrit médiéval connu à ce
jour.
Ecrit au 13ème siècle par un moine
bénédictin du monastère de Podlažice en Bohème, il
est également connu sous l’appellation de « bible du diable » en
référence à une enluminure d’un diable cornu et griffu que l’on peut trouver au
folio 290.
Portrait du diable (Folio 290r) |
Cette illustration pour le moins insolite pour
l’époque alimenta la légende selon laquelle, Herman le reclus, un moine du
monastère de Podlažice fut condamné à être emmuré
vivant. Pour échapper à cette terrible sentence, il proposa d’écrire le plus
grand codex du monde en une seule nuit. Se rendant compte qu’il ne pouvait y
parvenir, il implora le secours du diable qui l’aida à achever l’œuvre. Pour le
remercier, il ajouta la fameuse enluminure.
Le
codex contient plusieurs textes écrits en latin : l’ancien et le nouveau
testament, vingt œuvres de Flavius Josèphe, les « Etymologies »
d’Isidore de Séville, « L’art de la médecine », « Les chroniques
des Bohémiens » de Cosmas de Prague ainsi qu’un calendrier.
Un autre fait troublant à propos de ce livre est la
constance de la calligraphie qui ne change pas de la première à la dernière page. Des études
récentes ont estimé que le codex gigas est le fruit du travail d’un seul homme
qui aurait œuvré pendant près de 27 années.
Le codex Seraphinianus :
L’étrange encyclopédie
Considéré comme le livre le plus étrange au monde,
le codex Seraphinianus est un OLNI (Œuvre Littéraire Non Identifiée) qui nous
plonge dans un univers déroutant, fantasque, unique…indescriptible ! Les
fans de science fiction et de fantaisie ne jurent que par lui.
Illustré par des dessins surprenants et écrit dans
une langue imaginaire inventée par l’auteur, ce codex décrit un monde
extraterrestre avec sa faune, sa flore, ses mœurs, ses architectures, ses
habitants, ses machines…
On y retrouve des éléments de notre
temps mais présentés d’une manière absurde : « des fleurs flottantes, une
banane remplie de médicaments, une drôle de voiture couverte de mouches, des
vêtements qui auraient choqué même dans les années 1970, un homme avec des
patins à roulettes transpercé par un stylo géant et pourvu de plumes à la place
de mains, et tant d’autres créatures à jambes humaines rattachées de manière
étrange au reste de leur anatomie, tout aussi étrange. » (cit. abebooks.fr)
Malgré son côté irrationnel, le livre forme un
ensemble cohérent et très esthétique avec une constance dans sa créativité.
Dans deux pages du livre, Serafini semble laisser
une clef pour comprendre son intention, il s’agit d’un homme allongé dont l’encrier a laissé
s’échapper des mots écrits en français : « fille orgiaque surgie et
devinée, le premier jour sur la digue de
Balbec »…Avis aux amateurs d’énigmes !
La disparition : Le roman sans
« E »
La disparition
est un roman en lipogramme de 320 pages écrit par Georges Perec en 1968. Ce
roman ne comporte pas une seule fois la lettre « e ». Cette prouesse
étant à la fois liée à la fréquence de la lettre supprimée et à la longueur du
texte écrit.
La
« disparition » du « e » est intimement liée à l’histoire
du personnage au nom très évocateur : Anton Voyl. Le lecteur est invité à
suivre les péripéties des amis d’Anton qui sont à sa recherche dans une trame
proche du polar.
A travers ce
roman, Perec parle du drame majeur de son existence qui est la disparition
violente et prématurée de ses parents durant la seconde guerre mondiale, son
père meurt au combat en 1940 et sa mère est déportée début 1943.
Extrait
« Anton
Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa
un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon. Il prit un
roman, il l'ouvrit, il lut; mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il
butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.
Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son
lavabo; il mouilla un gant qu'il passa sur son front, sur son cou. […]
Sur l'abattant du vasistas, un animal au thorax
indigo, à l'aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison,
s'avançait, traînant un brin d'alfa. Il s'approcha, voulant l'aplatir d'un coup
vif, mais l'animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu'il ait pu
l'assaillir. »
La maison des feuilles : Le
livre-labyrinthe de Danielewski
Maître des Cassoni
Campana : Thésée et le Minotaure
|
Après la mort du vieux Zampano, Johnny Errand, récupère
son manuscrit qu’il essaye de reconstruire et d’annoter d’une façon très
personnelle.
Ce manuscrit est une sorte d’essai académique sur un
film, « le Navidson Record », réalisé par le célèbre photoreporter,
Will Navidson.
Will qui vient d’emménager avec sa famille dans une maison coloniale en Virginie, décide de filmer
leur installation. Tout s’annonce bien, jusqu’au jour où la maison commence à changer de forme et de dimension
laissant apparaître des chambres qui mènent vers des dédales labyrinthiques aux
proportions irréelles…
La lecture de la maison
des feuilles demande un certain entêtement et un sens solide de l’orientation
car l’auteur multiplie les niveaux de récit. Il alterne entre l’histoire
personnelle de Johnny, les péripéties des Navidson, les commentaires de Zampano
sans oublier Pélafina, la mère de Johnny, qui adresse à son fils des lettres
depuis un hôpital psychiatrique. Chacun des textes des narrateurs est imprimé
dans une police différente.
L’auteur joue aussi avec les genres et les styles,
prose et poésie, lettres, chansons, photographies, schémas, bandes dessinées,
extraits de magazine, citations authentiques ou imaginées…
Mais la plus remarquable des particularités du roman
est sa mise en page : pas une page n’est semblable à une autre. On y
trouve des textes imbriqués, certains à l’envers, d’autres en spirale ou
formant des cercles concentriques, des pages blanches où figure un seul mot…
Chaque fois la forme du récit semble renvoyer à son
contenu : mots en quinconces très perturbants quand Will Navidson se perd
dans le labyrinthe de sa maison. Petits mots
perdus dans de grandes pages blanches lorsqu’il découvre de vastes chambres
sans limite. Seule constante typographique du livre, le mot maison qui apparait toujours en bleu.
La maison des
feuilles dont la rédaction a pris 12 ans à son auteur a été décrite par
certains critiques comme une « satire de la critique académique » et comme
un « roman d’horreur existentialiste ».
Dans un entretien, Mark Z. Danielewski dit à propos
de son roman :
« La maison des feuilles était un livre entièrement tourné sur lui-même, un livre fait d’intériorité. Un livre consumé par l’idée de parenté, et profondément introspectif. Je savais, en écrivant les dernières pages, que j’allais devoir sortir de cette maison. J’avais besoin d’extériorité, de me consacrer au dehors des choses. J’avais d’ailleurs observé que beaucoup de lecteurs, qui avaient aimé «la Maison des feuilles», vivaient dans le roman comme dans une maison dont ils ne pouvaient pas sortir. Plutôt que de s’intéresser au monde extérieur, à la vie tout simplement, ils se passionnaient pour mes héros, Pélafina ou Zampano. J’en étais très heureux bien sûr. Mais j’avais envie de leur dire: «Maintenant, lâchez ce livre, et allez voir ce qui se passe dans la réalité ».
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